L'irréparabilité de l'erreur

Je touche du doigt les bords de ma présence et voudrais pousser plus loin encore la membrane mais elle reste figée, sclérosée

On ne pousse pas, on retourne aux origines, à l'intérieur de soi

Ce n'est pas le temps des renaissances mais bien celui des grossesses —

C'est moi qui suis gestante et moi-même que j'attends

Il est temps d'embrasser l'hiver en soi et de dénouer le bleu du regret

Le mouvement est d'or, mais à peine lorsqu'on lui oppose résistance

Pas fragile mais porteuse de fragilités, je pose les mots pour espérer ne plus faire le mal

M'isoler dans les poèmes et tenir à distance

Car je crois mon impact maladroit aussi destructeur qu'une bombe

Je me cache derrière l'abstraction de la forme et crains au fond du ventre

L'irréparabilité de l'erreur

Tes yeux — des mûres bleues

J'y goutte à l'innocence, sur tes sourires

Tes lèvres d'or affolent mes convictions intimes

et perlent sur mes phalanges des baisers de nuit

J'ignore où vont tes silences —

Si seulement tu pouvais les pousser à l'intérieur de moi, qu'ils me consument sans maladresse

Je veux me perdre dans tes yeux, des mûres bleues

C'est une mise en abîme cet amour-là,

Une brume épaisse qui ne laisse rien passer au travers

On ne toise pas ce qui vient se lover près du cœur

Quand l'autre moitié du monde se donne en relief, on est en droit de se sentir intimidé

Tu le vois ce corps qui a faim de la mer ?

Tu les sens mes défenses qui s'effondrent sous la peau ?

Tu dis de moi que je suis métamorphe et que ça te rends méduse,

toi, mon veilleur de nuit —

toi, mon plus beau joyau —

toi, l'infini grandiose —

Dans une voix chagrine

Il y a dans une voix chagrine

quelque chose qui glace les fragilités

Elle dit la chute, et par les mots, accuse

— un crève-cœur qui montre désespérément les crocs

Il y a dans une voix chagrine

quelque chose qui trahit

Elle a beau dire que rien n'est grave,

elle s'étiole en sanglots et se brise en petites subtilités

Il y a dans une voix chagrine

quelque chose qui prépare à la vulnérabilité du soi

— terre natale qui renferme ce qu'il y a de plus inoffensif

Il y a, dans une voix chagrine,

quelque chose qui relève d'une innocence abyssale

— palais qui accueille l’indicible; divine.